Avec deux mois de retard, le dernier livre de Ségolène Royal sort en librairie le 15 mai. Pas de règlement de comptes, mais quelques critiques larvées et une galerie de portraits, reliés par une qualité soulignée en titre: Cette belle idée du courage.
L'ancienne candidate socialiste à la présidentielle de 2007 y évoque, en autant de chapitres, quinze figures historiques ou contemporaines, qui vont de la militante kurde Leyla Zana (Turquie) à des chefs d'Etat étrangers comme Nelson Mandela (Afrique du Sud), Lulaet Dilma Rousseff (Brésil) ou Franklin D.Roosevelt (Etats-Unis).
Elle égrène, aussi, des noms emblématiques de la gauche comme ceux de Louise Michel,Jean Jaurès, Aimé Césaire, Stéphane Hessel ou de François Mitterrand, qui la lança en politique.
La guerrière Jeanne d'Arc, la féministe révolutionnaire Olympe de Gouges, la dramaturgeAriane Mnouchkine ou la religieuse Soeur Emmanuelle complètent cette liste à la Prévert, avant les derniers chapitres consacrés aux ouvriers d'Heuliez ou à des salariées du textile ayant repris leur usine.
Autant d'occasions, pour la présidente du conseil régional de Poitou-Charente et vice-présidente de la Banque publique d'investissement, de défendre ses causes et d'esquisser des lignes politiques. Points saillants de l'ouvrage :
La dédicace : "A mes quatre enfants , sources de courage et de gaieté inépuisables". L'auteure se présente d'emblée en mère de famille (et élude le père qui siège à l'Elysée).
L'entrée en matière : Citation intégrale du plus connu des poèmes de Rudyard Kipling, "Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie/Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir..." ("Tu seras un Homme mon fils"). L'auteure revient d'ailleurs, un peu plus loin, sur l'un des vers du chantre de l'empire britannique : "Et, te sentant haï sans haïr à ton tour..." Sincère ou non, le message est clair : positif, sans rancune, l'ouvrage est d'abord un recueil d'hommages aux"passeurs de courage".
La longueur : 310 pages (y compris la reproduction de trois documents annotés par François Mitterrand et d'un court billet de sa main, portant sur des violences policières)
La première phrase : "Panser ses plaies et repartir". Une citation de Paulo Coelho qu'on lui a "maintes fois envoyée" pour l'encourager à aller de l'avant.
La dernière phrase : "Et vous l'aurez constaté, les épreuves, parfois surhumaines, n'empêchent jamais la joie de vivre".
Le rappel de ses combats : En creux ou relief, chaque portrait incarne un combat - féministe, socialiste, humaniste ...- revendiqué par l'auteur. Avec plus d'acuité encore quand il s'agit d'Heuliez, usine des Deux-Sèvres dont elle avait soutenu la relance, en juin 2010, et qui est désormais en redressement judiciaire. "Je ne sais pas, à l'heure où ce livre est publié, où en sera l'entreprise", souligne-t-elle (page 247), avant d'insister sur ces années gagnées, sans chômage, pour plusieurs centaines de personnes.
Pique à Jean-Marc Ayrault : Ségolène Royal relate comment, députée des Deux-Sèvres, elle a obtenu en 1990 l'aide de François Mitterrand pour faire "bifurquer l'itinéraire de l'autoroute Nantes-Niort vers le nord de Niort, au lieu de massacrer, au sud, le Marais poitevin" (page 210).
"Depuis des mois", ajoute-t-elle, comme le signale Europe 1, "la presse est pleine de cette polémique qui n'est pas sans rappeler celle de Notre-Dame-des-Landes. On a été traités de 'grenouilles du Marais poitevin voulant sauver des champs d'orties'". La grenouille poitevine soutiendrait-elle les manifestants nantais ? Pas un scoop puisqu'elle avait déjà remis en cause le projet d'aéroport, en octobre 2011, lors de la primaire socialiste.
Piques (masquées) à François Hollande ? Quel président passe pour avoir pris les mesures s'imposant en temps de crise, dans les années 30, avec son New Deal ? L'Américain Franklin D. Roosevelt (1882-1945), aujourd'hui brandi comme un étendard par les opposants à l'austérité, même si le contexte a radicalement changé.
Quand Ségolène Royal vante l'"impressionnant" "bilan des cent premiers jours de son premier mandat" (celui de Roosevelt), le fait-elle sans arrière-pensée ? A qui s'adresse-t-elle-t-elle en écrivant : Roosevelt "désigne les vrais responsables de l'essor des fascismes militaristes et des populismes autoritaires : des gouvernements velléitaires et prisonniers des vieux schémas donc impuissants" (p.236) ?
Et quand elle conclut: "Le courage de Roosevelt ...prouve qu'on peut tenir la dragée haute, aujourd'hui comme hier, aux lobbies financiers qui, à nouveau, se croient tout permis et rêvent, comme leurs lointains prédécesseurs américains, de coloniser les Etats. Le courage de Roosevelt fut de comprendre qu'un peu d'hétérodoxie économique est la condition de politiques créatives et efficaces" (p.238) ? Allô, l'adversaire du "monde de la finance" ?
Bénéfices ? Quel bénéfice tirera-t-elle de ce dixième ouvrage ? Peu de compliments littéraires à attendre : Ségolène Royal n'a pas la facilité de plume d'un Mitterrand, son modèle avoué, et ses portraits historiques restent convenus. Mais la sortie d'un livre suscite toujours une curiosité médiatique tombant à pic quand bruissent les rumeurs de remaniement
A défaut d'être neuve, la "belle idée du courage" vantée par cette politique aguerrie fonctionne d'autant mieux que cette vertu, requise en temps de crise, n'a jamais été déniée à l'ex-candidate à la présidentielle socialiste de 2007.
Bref, prête à affronter tempête et grand vent, à l'image du vainqueur 2013 du Vendée GlobeFrançois Gabart -auquel elle consacre quelques pages, entre Dilma Rousseff et Stéphane Hessel, Ségolène Royal est toujours disposée à se retrousser les manches. Qu'on se le dise à l'Elysée...
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